EXPOSITION
À ANGLES VIFS
uvres
de Dan Flavin, Robert Morris, Cildo Meireles,
Joseph Beuys, Bruce Nauman,
Gordon Matta-Clark, Carsten Höller, Pascal Pinaud, Felix Gonzalez-Torres,
Veit Stratman,
Claire-Jeanne Jézéquel, Michel Verjux, François Morellet, Jean-Marc
Bustamante,
Maurizio Cattelan, Art & Language, Michelangelo Pistoletto, Michel
Aubry, Richard Artschwager, Matthew Mac Caslin, Peter Downsbrough,
Fred Sandback, Piero Calzolari, Jean Michel Meurice, Claude Closky.
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CAPC - Entrepôt.
7, rue Ferrère, Bordeaux
du 10 Juin au 26 Septembre 2004
tél. 05 56 00 81 50
capc@mairie-bordeaux.fr
Le coin dans
la culture scolaire est lourdement chargé de sens. Il fût une époque,
révolue aujourd'hui, où l'élève "agité", indiscipliné, inattentif ou rêveur
séjournait dans un coin de la salle de classe pour retrouver son calme
ou ses esprits. Dans ces coins de salle, combien d'élèves ont continué
à rêver et à ouvrir des mondes que la planéité des murs
de la classe avec toutes ses informations mûrement réfléchies
et distribuées semblaient lui refuser. Aujourd'hui "l'Art Contemporain"
semble à son tour relégué au coin comme un mauvais élève par des professeurs
qui classent, rangent et expliquent notre désormais patrimoine artistique
du XXe siècle. Le propos de cette exposition est donc très didactique
et celle-ci ressemble à une remise de travaux d'élèves sur l'art d'accommoder
les coins que le professeur aurait incité en déclinant quelques questions
telles que :
-l'angle : ouverture ou fermeture?
-le coin, convergeant ou divergeant,
-occuper les coins,
-revisiter Tatline,
-regard en coin,
-décoincez-vous,
-connaître une question dans les coins...
cliquez
sur les images pour les visionner en 800 par 600 (pixels),
mais pensez à refermer les fenêtres...
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Les
artistes qui, au cours du siècle passé, abordèrent cet espace
singulier du coin comme Braque, Malevitch,
Tatline ou El Lissitzky
(seulement évoqués dans le document d'accompagnement
du C.A.P.C de l'exposition) et ceux présents
dans cet accrochage qui leur rendent ici un hommage plus ou
moins implicite eurent une double démarche : subvertir et aménager
cet espace trop souvent (mais pas toujours) considéré dans
nos traditions artistiques comme un non-lieu. Bien des uvres
parmi les plus pertinentes mêlent ces deux versants apparemment
contradictoires en subvertissant le coin qu'elle semble aménager
et en détruisant l'angle sur lequel elle semble s'appuyer. |
George
Braque,
sculpture de l'hôtel Roma (1917
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Gordon
Matta-Clark
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Matta-Clark,
par exemple (avec des trous) et Art
& Language ou Pistoletto (avec
des miroirs) annulent chacun à leur façon l'angle d'une
pièce en le trouant ou en le démultipliant. Chez Pistoletto
notamment et de manière plus subtile la démultiplication est
aussi un dépliement de l'espace dans lequel le spectateur peut
se démultiplier, comme l'écrit Philippe Dagen
dans le Monde (1), mais
peut également disparaître lorsqu'il se place à 45° d'un mur
ou de l'autre (voir notre photo). |

Michelangelo Pistoletto
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Robert
Morris
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Beuys,
Morris et Meireles
annulent une partie ou la totalité de l'angle d'une pièce de
la même façon en créant un triangle incliné prenant appui sur
le sol et les deux murs constituant le coin investi, que ce
soit en toile, bois, graisse ou feutre, le processus subversif
est le même : ce qui est nié par l'uvre d'une certaine
façon ; l'angle
est ce qui lui donne la possibilité de sa forme. |
Cildo Meireles
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Félix
Gonzales-Torres

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Mais
cette association d'uvres comme bien d'autres associations
possibles dans cette exposition est fallacieuse, car elle apparente
des uvres ou la trace d'uvres dont les démarches
ont peu de point commun : "formellement" les uvres de
Morris et de Gonzalez-Torres
se ressemblent, mais quel lien probant tisser entre les démarches
de ces deux artistes ? |
Certaines uvres
échappent à ce risque d'amalgame hâtif (comme tous les amalgames)
en mettant en évidence leur processus même de création comme Morellet
ou Downsbrough. L'angle est ici une ligne
séparant ou reliant deux plans, deux pans de mur. A partir de cette
donnée géométrique, l'artiste imagine et conjugue d'autres lignes,
d'autres plans réels ou virtuels qui fractionnent et déstabilisent
cette verticale initiale et majestueuse de l'angle premier.
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François
Morellet
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François
Morellet
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Peter Downsbrough
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Peter Downsbrough
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Bien
des uvres par ailleurs utilisent l'angle de façon incidente,
accessoire. Celui-ci "sociologise" ou "psychologise" alors l'uvre
au détriment d'une véritable pertinence esthétique. Pinaud,
Gober, Closky,
Mac Caslin échappent difficilement
à cet écueil |

Pascal Pinaud
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Robert Gober
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Claude Closky
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Mattiew Mac Caslin
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Jean Michel Meurice
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Mais la pertinence esthétique
n'est pas l'esthétisme, écueil décoratif de l'Art, comme
chez Meurice ou Sandback
dans une certaine mesure.
La dimension esthétique
de ces dispositifs plastiques s'appréciera donc, là aussi,
dans l'ouverture de l'espace et la génération d'espaces
qu'ils peuvent susciter au gré du regard en coin d'un
spectateur attentif et actif.
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Fred Sandback
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Des élèves
de classe de Première (option obligatoire) trouveront donc dans cette
exposition de nombreuses propositions les aidant à s'interroger sur
les rapports de l'uvre et du Lieu. De même des élèves
de Première et Terminale (Option facultative) pourraient dans la fréquentation
de ces uvres entrevoir certaines subtilités du distinguo "présentation/représentation".
Quant aux élèves de Troisième, ils auraient là les possibilités d'une
approche plasticienne de l'Architecture. |
Après avoir fait le tour de
tous les coins de cette exposition, n'oubliez pas les recoins du CAPC
qui abritent au 2e étage l'exposition de deux artistes chinois contemporains
: Cui Xiuwen et Kan Xuan
et au rez-de-chaussée (là où se trouvait la librairie (2))
l'installation de Chohreh Feyzdjou... (oeuvre
en dépot du FNAC, donc visible toute l'année)
texte
et photos de Jacky Ferrand
(1) Philippe DAGEN, Ce qui
se cache dans les angles, Le Monde du 19.08.04
(2) il n'y en a plus... le CAPC ne va pas fort...
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